Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
L'histoire défigurée et la géographie manipulée
16 novembre 2010

40 ans après, la vrai nature...du général de Gaulle


De Gaulle et le 13 mai 1958
par Serge Sebban

 

La commémoration du quarantième anniversaire de la mort du général de Gaulle aura eu le mérite de faire le point des connaissances sur de l’un des personnages français les plus mystérieux de l’histoire politique de la seconde moitié du XXe siècle

De Gaulle sauveur, homme providentiel, une référence pour la classe politique de droite, du centre et de gauche…. ou grand comploteur ?

L’émission de France2 du mardi 2 novembre consacrée à « De Gaulle et la guerre d’Algérie » s’est distinguée de l’ensemble des émissions commémoratives sur le Grand Charles. Contrairement à la tradition des débats lénifiants sur la personnalité du fondateur de la Ve République , cette émission a cherché à faire la lumière sur une question essentielle.

Quel fut sur le rôle exact et donc la responsabilité précise de De Gaulle dans le « coup de force du 13 mai 1958 » qui le propulsa au pouvoir en quelques jours ?  

Une fois n’est pas coutume, plusieurs  historiens, spécialistes de cette période, étaient invités sur le plateau. Serge Bernstein, Christophe Nick, Erick Roussel , Benjamin Stora et Georges Fleury ont analysé avec rigueur le déroulement des faits du 13 au 27 mai 1958.

Un docu-fiction de Serge Moati intitulé « Je vous ai compris, De Gaulle 58/62, rappelait en introduction les « évènements d’Algérie » :

De Gaulle  était souvent présenté comme l’homme qui a saisi une opportunité, la crise du 13 mai, pour rebondir et faire don de sa personne afin de sauver le pays d’une guerre civile imminente, comme il l’avait fait en juin 40. Les manuels scolaires ont tous respecté cette présentation au risque de brosser un tableau idéalisé du personnage.

La réalité est tout autre. De Gaulle avait acquis la conviction dès 1957, après avoir dissout le RPF, que son retour au pouvoir ne pouvait procéder que d’un coup d’état contre les institutions de la IVe République. « Un peu plus tôt, un peu plus tard, le moment viendra », avait-il écrit.

Ses hommes, Neuwirth, Delbecque et Lagaillarde, étaient à l’affût.

 La nomination de Chaban-Delmas, un autre gaulliste historique, au ministère de l’intérieur leur donnait une occasion en or pour agir en toute liberté et impunité. Ils obtenaient sans difficulté la complicité active  du chef d’état-major, le général Salan.

Le départ de Philippe Gaillard, président du conseil, le15 avril 1958, ouvrait une crise ministérielle, contexte idéal pour provoquer le retour du général de Gaulle.

 

Le jour  fixé était le jour de la nomination de Pierre Pflimlin à la présidence du conseil, le 13 mai

Le scénario algérois était bien huilé, les rôles distribués. Le  matin du 13 mai, un cortège d’anciens combattants et quelques agitateurs aidés d’un camion militaire providentiel sur les lieux, allaient faire l’histoire.

Une manifestation était organisée avec un appel à la grève des organisations algéroises dont des syndicats. A 13h la foule était descendue et se rassemblait devant le bâtiment du Gouvernement général (bâtiment administratif).

 La manifestation avait été interdite par les autorités civiles, mais Salan, chef d’état-major disposant des pouvoirs de police, l’avait autorisée. Les magasins avaient tiré leur rideau de fer. L’atmosphère était  pesante. Les observateurs l’attribuaient au sirocco qui soufflait sur Alger depuis plusieurs jours. Un cortège se forma autour d’anciens combattants français et algériens arborant le drapeau de leurs régiments rendant hommage à trois soldats tués par le FLN. Et puis la foule se mit à secouer les grilles qui protégeaient le bâtiment. Un homme conduisant un camion militaire défonça la grille et tout s’enchaîna. En quelques minutes les locaux du Gouvernement général étaient envahis. Lucien Neuwirth, lieutenant gaulliste, prenait le contrôle de la sono et attendait l’arrivée de Salan afin que les militaires s’assurent la direction de « l’émeute ». Salan intervenait en prononçant le nom de De Gaulle qui fut « spontanément » scandé par la foule. Un comité de salut public était proclamé contrôlé par les gaullistes et les militaires, présidé par le Général Massu commandant en chef des régiments de parachutistes et Léon Delbecque, tous deux hommes de main du général. 

Les mots d’ordres scandés étaient sans ambiguïté « Pflimlin démission ! » et « Algérie française ! « Vive de Gaulle ! » « Tout le pouvoir à l’armée ».

De Gaulle apparaît comme l’homme providentiel qui seul  peut dénouer la crise avec l’aide de l’armée.

De Gaulle attendait les nouvelles et rédigeait le 15 mai un communiqué. Loin de condamner  les séditieux,  le communiqué  fustigeait «  l’absence d’Etat ». Le général se déclarait prêt à assumer les « tâches de la République ».

Dans le même temps  le soulèvement  gagnait les garnisons de Corse. Jules Moch, ministre de l’intérieur ordonnait l’envoi de  la gendarmerie. En vain, préfets et généraux empêchèrent le débarquement des gardes mobiles. Le noyautage de l’administration et de la police par les hommes du général était une réalité qu’il dénonça, impuissant.

Le président de la République Coty et Pierre Pflimlin résistèrent dans un premier temps à la sédition et refusèrent les exigences de De Gaulle notamment la clause sur les peins pouvoirs  pour un an renouvelable. Les régions militaires, l’une après l’autre, se ralliaient aux séditieux et annonçaient leur intention de prendre Paris… si nécessaire.

De Gaulle rédigea un courrier à son fils Philippe. Les termes de cette lettre sont sans ambiguïté. Le gouvernement Coty n’ayant pas accepté « sa solution » le 20 mai, « le Sud marchera sur le Nord ».

La menace étant imminence et précise, le président Coty céda provoquant la démission de Pflimlin. Le 27 mai, de Gaulle vainqueur «  entamait un processus régulier nécessaire à l’établissement d’un pouvoir républicain….».

Et si Coty n’avait pas cédé ?.... «le processus » aurait été d’une autre nature.

La suite est bien connue. Appelé officiellement par Coty, le dernier président du conseil de la IVe République obtenait l’investiture de la chambre des députés le 1er juin et les pleins pouvoirs pour trois mois ; le temps de rédiger la constitution de la Ve République et la faire ratifier par référendum. Certains députés refusèrent de voter « le couteau sur la tempe » comme l’a déclaré Mendès-France. Ce n’était pas, comme une propagande bien comprise nous l’a longtemps servie, une formule à comprendre« au figuré ».

De Gaulle était prêt à tout pour revenir au pouvoir. C’est ce que retiendront nos historiens invités à l’émission de France2. Finie la légende rose du général de Gaulle ?

Ira-t-on jusqu’à réécrire les manuels d’histoire ?

Il est vrai que l’on a fait disparaître des questions comme l’étude de la IVe République, des programmes d'histoire des lycées. Les lycéens risquent de ne pas traiter la crise du 13 mai 58 . Un pur hasard ?

Nos élèves vont devoir subir encore longtemps les évocations lénifiantes sur « l’homme providentiel » qui aurait « empêché la guerre civile » et qui aurait concocté la formidable constitution de la Ve République.

Doit-on oublier qu’elle était aussi qualifiée de « coup d’état permanent »?

Les hommes, les régimes et leurs propagandistes peuvent gesticuler, l’histoire finit toujours par passer.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
L'histoire défigurée et la géographie manipulée
Albums Photos
Archives
L'histoire défigurée et la géographie manipulée
Publicité